PASTELS ET FUSAINS
(Extrait d’une lettre adressée à M. A. Piedagnel)
SENTIER PERDU
her sentier que la mousse verte
Tapisse durant les beaux jours,
Pays du rêve ! route ouverte
À l’espoir, aux jeunes amours ;
Chemin béni tout rempli d’ombre.
Asile des petits bonheurs,
Où l’on peut marcher sans encombre,
Enivré du parfum des fleurs !
Je te cherche sous la ramure,
Mais, hélas ! mes pas sont tremblants ;
J’entends la source qui murmure,
En courant sur les cailloux blancs ;
De son aile la brise effleure
Le ruisseau clair et babillard…
Je me souviens — et puis je pleure ;
Tout disparaît dans un brouillard !
Les oiseaux joyeux, dès l’aurore,
Improvisaient de doux concerts ;
Je croyais les entendre encore :
Aujourd’hui leurs nids sont déserts.
La ronce, l’ortie et l’airelle
Ont étouffé les fleurs du bois.
En vain j’écoute, en vain j’appelle :
L’écho seul répond à ma voix !
Printemps de la vie, ô jeunesse !
Amours, chansons, enivrements ;
Confiante et pure allégresse,
Bonheur facile, espoirs charmants !
Pourquoi vous être enfuis si vite,
Et pourquoi ne plus revenir,
Jours heureux où le cœur palpite,
Impatient de l’avenir ?…
Et toi, séduisante amoureuse,
Qui, tant de fois, dans ce sentier,
M’as juré, sous la voûte ombreuse,
Que j’avais ton cœur tout entier ;
Toi, dont les petites mains blanches
— Trop inhabiles au travail ! —
Aimaient tant à casser les branches
Pour remplacer ton éventail.
Qu’es-tu devenue, ô perfide ?
Gourmande de fruit défendu !…
Moi, sans espérance et sans guide,
Je cherche le sentier perdu.