Aller au contenu

Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

peut reprouver l’austerité de ceux qui font autrement. Parquoy telles que sont les assemblees, tels sont les propos qui y sont tenus : car entre hommes de sçavoir, modestes, & d’autorité, lon n’y entend autre propos que de science, chose d’estat, & de philosophie : toutesfois que le plus souvent ceux qui se pensent demis-dieux terrestres, & qui s’essayent de prononcer en juges, se font moquer d’eux. Car encor que leur revenu les maintienne en authorité, si est-ce qu’ils sont subjects aux jugements de ceux qui les oyent parler. Bien est vray qu’il est en leur puissance de faire estaller force viandes sur table : toutesfois il n’y ha charcuitier qui n’en fist bien autant, ains encor plus d’extrement, s’il en avoit le revenu. Quelques uns parlants des choses produictes en nature, ont esté ouïs, qui ont maintenu qu’il y ha de deux mil sortes d’oyseaux, & deux fois autant de poissons, & innumerables especes de bestes à quatre pieds : ausquels avons quelques fois respondu, que tout homme raisonnable doit tellement borner son dire, qu’il y constituë quelque fin. Car qui nieroit qu’il n’y eust de deux mille sortes d’oyseaux, ou dix mille, n’estant asseuré de l’infiny ouvrage de nature, ne seroit reputé sage. Mais l’homme de bon jugement qui ha beaucoup pratiqué de bonnes choses, se propose un arrest pour la certitude sur la cognoissance des choses naturelles. Car si quelcun maintenoit deux mil especes d’oyseaux, seroit comme celuy qui diroit, qu’il est plusieurs mondes, & qu’il y ha un Soleil, & une Lune en chascun monde, qui est chose du tout incroyable. Toutesfois que le souverain conditeur des choses animees ha donné la perspicacité, & entendement à l’homme, & ha voulu qu’il fust en sa puissance de nombrer à peu pres les choses produites es elements, qui sont faictes pour son usage. Parquoy semble qu’il n’est du tout hors de la puissance de l’homme diligent observateur des choses, de les reduïre jusques à un certain nombre. Aristote & les autres anciens en ont parlé de la plus part d’iceux. Parquoy dirons librement selon nostre jugement qu’il est hors de la puissance des hommes de trouver à peu pres plus de cinq cents especes de poissons, plus de trois cents sortes d’oyseaux, & plus de trois cents de bestes à quatre pieds, & plus de quarante diversitez de serpents, & plus de trois cents choses propres à manger, issuës des herbes, ou des arbres : Sçachants mesmement qu’il y ha plus de mil ans qu’un discours tel qu’est cestuy cy ha esté mis en avant entre les gents de sçavoir. Pline nous en est tesmoing, qui ha l’unziesme chapitre du trente & deuziesme livre, fait apparoir bonne partie de ce qu’avons dit, parlant en ceste maniere, Peracta aquatilium dote, non alienum videtur indicare per tot maria tam vasta, & tot millibus passuum terrae infusa, extraque circundat ha mensura pene ipsius mundi, quae intelligantur animalia centum septuagint a sex omnium generum esse, eaque nominatim complecti. Quod in terrestribus, volucribusque fieri nom quit. Neque enim omnis Indiae, Athyopiaeque, aut Scythiae, desertorum ve novimus feras aut volucres, cum ho minum ipsorum multo plurimae sint differentiae quas invenire potuimus. Accedat his Taprobane, insulaeque aliae Oceani fabulose narratae. Profecto conveniet, non posse omnia genera in contemplatione universam vocari. At hercule in tanto mari Oceano quaecunque nascuntur certa sunt, notioraque (quod miremur) quae profundo natura mersit. Quant à ce qu’il dit, non posse omnia genera in contemplationem universam vocari, nous ne voulons entendre qu’on les puisse bien tous cognoistre, mais qu’on en peut approcher de bien pres.