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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/103

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qu’on adjoustoit moult grande foy en leurs responces. Tels divinateurs faisoyent leur mistere en contemplant les interiëures parties tant des oyseaux, que des autres animaux, sur leurs sacrifices. Soit donc mis en question à sçavoir si par l’inspection d’icelles, ils pouvoyent diviner les choses advenir, & s’il y avoit aucune chose de verisimilitude en leur fait, dont lon se peut asseurer de ce quils promettoyent ? Premierement qui ne sera bien d’opinion que le commencement de tels Aruspices, & Arioles ait prins sa source soubs espece de simplicité, & que blandissant chascun, & luy promettant les choses desirees (qui est le plus grand plaisir que puisse recevoir l’homme en vivant) ait esté appliquee au commencement aux ceremonies de la religion, & que puis ils y ayent meslé encor plusieurs autres choses avantageuses pour ceux qui l’exerçoyent ? Car comme le genre humain est facilement esprins des tenebres soubs vertu de faulse religion, & est tousjours desireux de sçavoir ce qui luy doit advenir, tout ainsi laissant posseder ses sens à ceste science, il n’est bonnement en luy de s’en demettre, estant saisy de tel lien, qui ha desja occupé son esprit. Voyant donc que plusieurs gents doctes, & Senateurs Romains s’en sont voulu entremettre, & l’excercer, il semble que superstition ait tousjours dominé entre les nations de toutes contrees, & qu’il ne fut onc, que les grands seigneurs n’ayent bien sçeu dissimuler le fait de la verité : Car si les Ducs, Roys, & Empereurs, non seulement Romains, mais aussi Egyptiens se sont attribué ce droit, il fault qu’ils ayent entendu qu’il y eust certitude en la science, ou bien voulussent dissimuler la fallace, & tromperie d’icelle. L’ethimologie de ceste diction Auspicium, nous enseigne qu’elle vient ab avibus inspiciendis, c’est à dire, de regarder les oyseaux : Comme aussi Aruspicium ab aris : c’est à dire de regarder les autels : & de la lon dit que Arioli estoyent ceux qui brusloyent les chairs des bestes sur les autels. Augurium estoit dit ab avium garritu, c’est à dire du desgorgement des voix d’iceux. Or s’il y avoit certitude en leur science, pourquoy ne dure elle encor maintenant ? & si c’estoit fallace, pourquoy en abusoyent ils le vulgaire ignorant ? Lon prouvera bien par divers passages de la Bible que la science des Arioles, Aruspices, & Augures est moult antique. Parquoy lon pourroit penser que c’est de l’invention des Chaldees, ou Egyptiens, & que les Tuscains l’ont aprinse d’iceux. Il y ha quelques modernes lisants ce que Cicero en ha escrit, qui ont pensé que l’origine de ladite science n’en estoit plus ancienne que des Tuscains : mais si lon veult confronter les anciens autheurs, il ne sera mal aisé de s’en rendre esclarcy. Pline ha escrit au cinquantesixiesme chapitre du septiesme livre, qu’un personnage nommé Car, ou Caras, trouva les Augures par les oyseaux : & Delphus trouva ce que les Latins nomment Aruspicium, & Thyresias Auspicia avium : mais si ce n’estoit qu’on voulust entendre qu’ils en eussent prins l’invention des dessusdits, ou qu’ils fussent d’autre nation qu’Italienne, ou Grecque, serions d’opinion qu’on trouveroit lieu pour s’abuser. Jamblicus au livre De Mysteriis AEgyptiorum, ha dit les suyvantes paroles, qui sont tout à propos à ceste maniere. Superi dant dona paratis, non solum naturaliter, sed per intellectum, & libera voluntatem ipsorum deorum. Dij dant futurorum ostent a in extis, avibusque, & stellarum novis prodigiis, etc. Peu apres : Viscero in ostentis transmutatur contra natura in animalibus ab anima eorum. In auguriis captandis aves miraculose moventur ab anima sua, etc. Mais qu’on puisse bonnement exprimer quelle estoit la maniere de proceder en Augurium, & en Aruspicium, & en Auspicia aviu, possible qu’il ne se peut sçavoir : car