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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/105

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especes de telles frivoles divinations, & que les unes se prenoyent de voir manger les oyseaux, les autres de leur marcher, les autres de leur voix & voler, les autres de leur contenance, & que le principal estoit de l’inspection de leurs interieures parties, & que nous cognoissons de ce temps cy, que toutes ces choses estoyent faulses, il fault conclure que lors que les hommes estoyent sans la cognoissance de Dieu, les diables faisoyent tels miracles, qu’il semboit que les divinateurs evocassent les umbres de l’enfer pour parler à eux. Car s’il y avoit quelque certitude, les seigneurs de la terre, tels que furent les Empereurs Romains, qui n’avoyent rien de plus genereux en leurs pensees, & souhaits, que de commander à leurs Dieux, se fussent renduz immortels. Dequoy lon se peut asseurer que s’ils y eussent trouvé quelque chose à leur advantage, qu’ils n’eussent esté si infortunez sur l’issuë de leur vie : Car eux, qui n’avoyent faulte d’aucune chose duïsante à leurs entreprinses, ne devoyent trouver empeschement à leurs desseings, s’il y eust eu apparence de verité. Mais pource que souvent est advenu que les responses des Aruspices pouvoyent estre convaincuës gaulses, il y avoit tousjours quelque excuse pour eschaper : Car s’ils avoyent failly en ce qui avoit esté mal prononcé, ou ils disoyent que le jour avoit esté infortuné, ou bien que l’animal qu’ils sacrifioyent estoit de mauvaise couleur, ou bien trouvoyent telle autre excuse. Le meilleur estoit que lors qu’ils sacrifioyent les animaux, il sembloit que c’eust esté chose de nulle vertu, s’ils n’eussent proferé quelques paroles de devotion en tuant les bestes. Il est question de sçavoir maintenant si la vertu de telles divinations procedoit des paroles, ou de la mort des bestes, & oyseaux. Si lon disoit que la vertu procede des paroles, il fauldroit par cela qu’on determinast telles vertus aux hommes. Parquoy tout ainsi qu’il estoit arresté, que l’homme avoit telle puissance en ces paroles, aussi estoit necessaire qu’il observast bien l’ordre de prononcer ce qu’il devoit dire, à fin qu’il ne nommast quelques paroles les premieres, qui devoyent estre les dernieres. Tout ainsi comme il ha esté de touts temps commun à toutes personnes, que les hommes ayent eu crainte des maledictions d’autruy, & principalement des hommes vouëz au fait de la religion, tout au contraire il n’y eut onc aucune nation qui n’ait eu plaisir d’ouïr se saluër par son nom. Il nous est commun en France qu’en esternuant prions qu’il soit à bien, toutesfois les Almans, Flamans, & Anglois, & ceux des regions Septentrionales n’ont pas tel usage, ne aussi les Turcs. Et toutesfois ceste coustume est ancienne, tant aux Grecs, que Latins : comme il appert par les mots d’Aristote, & dont Pline au second chapitre du vingthuictiesme livre de l’histoire naturelle, demandant la raison disoit, Cur sternutamentis salutamur ? & aliqui nomine quoque consulatare religiosius putant. Mais pource que c’est plus grande majesté d’alleguer l’authorité des premiers autheurs, il semble qu’il avoit prins cela de l’unziesme chapitre du premier livre de la nature des animaux en Aristote, qui dit que l’esternuër est un signe augural, reputé sacré, & sainct. Item pars faciei nasus (dit il) quae meatum prabet spiritui. Aërum enim ea parte reddimus, & accipimus. Sternutamentum quoque eadem agitur parte, quod flatus universi eruptio est. Signum augurale, & unum ex spirituum omnium generibus sanctum, & sacrum. Il est donc manifeste qu’il y ha tousjours eu des grandes ceremonies à garder en la discipline des Augures, & que les hommes l’ont eu pour usage principal en leur religion, veu que se trouvants en estrange païs ne cessoyent pourtant de faire tel sacrifice, comme il appert