Aller au contenu

Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parce qu’Aristote au dix-huictiesme chapitre du mesme livre, en ha escrit : Fellis privationem (dit il) vel in victimis non nunquam per cipi certum est : quippe cum parte quadam agri Chalcidici Fubois, fel nullum pecori sit. At in Naxo omnibus ferme quadrupedibus adeo grande, ut advenae, qui sacra fecerint, stupescant, re scilicet prodigij loco sibi arbitrantes, non talem esse naturae terrae illius quadrupedum. Quasi comme s’il disoit, que quelque part qui se trouvassent les hommes de sa religion, ils avoyent tousjours accoustumé tuër, & sacrifier des animaux selon leur usage. Cecy est tout à propos pour prouver qu’on sacrifioit toutes especes d’animaux, tant oyseaux, & quadrupedes, qu’aussi les poissons, & que les sacrificateurs trouvants les fiëls es uns plus grands, & es autres moindres, ignorants l’anatomie des animaux s’en esmerveilloyent, quasi comme de chose prodigieuse. Les hommes pressez du tonnerre, ravines, ou tempestes, n’ont remede plus singulier que de se vouër, & invoquer leurs dieux par prieres & oraisons : Comme aussi en la peur conceuë de jour ou de nuict, ou par les visions ou illusions qui trompent noz yeux, certains modernes les nomment Phantosmes, retenants ce mot de la diction Greque Phantasmata, contre lesquelles n’avons meilleur recours que de proferer certaines paroles sainctes. Les Ethniques pensoyent que les principales vertuz de leurs sacrificateurs fussent es paroles proferees & edits prononcez tant en vers de rithme qu’en autre maniere : les autres mipartoyent les vertus les uns aux paroles, & les autres à la mort des bestes. Parquoy les sacrificateurs ont tousjours eu puissance envers le vulgaire. Si est-ce qu’il n’est pas que les plus sages entendants l’abbus, ne s’en soyent moquez en eux-mesmes. Mais il appert que le vulgaire de mediocre fortune, de quelque condition qu’il fust, ha plus tost pensé que le principal remede de ses maux, ou de ce qu’il pretend de singulier en ses desirs, estoit fondé sur les paroles prononcees des hommes de sa religion. Et iceluy se fiant en cela, le croyoit sans voir aucune chose : car en telles manieres penseroit faire contre sa conscience, d’en demander l’experience visible. Ceste est la raison pourquoy les Augures, Arioles, & Aruspices, usoyent de moult grandes ceremonies : Et que lors qu’ils sacrifioyent, il failloit qu’il y eust un homme devant le sacrificateur, tenant un livre escrit, ou estoyent les paroles du sacrifiant. Oultre ce il failloit qu’il y eust encor un autre homme à costé, qui regardast attentivement ce que le sacrificateur lisoit, à fin qu’il ne laissast quelque parole sans la prononcer, ou bien en transposant quelque autre. Encor failloit un quart à ce mistere qui faisoit faire silence entre le peuple, à fin que la voix fust ouyee d’un chascun : Car c’estoit chose estimee leur denoncer malheur, quand le ministre failloit en la prononciation de ses prieres. Parquoy ils avoyent des musiciens qui jouoyent de quelque maniere de fluste, à fin que nulle autre chose ne fust exaulsee de leurs dieux, que ce qu’ils disoyent en leurs prieres. Soit donc conclu que la puissance des Arioles & Augures estoit telle qu’ils la faisoyent valoir envers le peuple, & qu’ils faisoyent valoir leurs coquilles, selon ce qu’ils pensoyent que le peuple les accepteroit. Parquoy il est croyable que les ministres de tels sacrifices estoient tels fins fretez, que ceux à qui les Romains bailloyent leur front à regarder, comme encor maintenant faisons voir noz mains aux Chiromanciens, & à ces gents ramassez nommez Egyptiens, pour nous dire nostre bonne aventure. Mais (comme avons dit) ce n’est chose nouvelle. Car Juvenal en sa sixiesme Satyre ha dit, Frontem que, manumque Praebebit vati. Nous pensons souventesfois les choses autres qu’elles