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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/251

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oyseaux entre touts autres, les mieux fournis de haulte gresse, & desquels le seul goust reveille si bien l’appetit endormy, qu’il provoque à bien discerner les gousts des francs vins & friands : quoy sçachants ceux qui sont bien rentez, les mangent pour leur faire bonne bouche. En cuisant ceste cy, & plusieurs autres petits oyseaux de riviere, ne fault oster les tripes du ventre. Encor ne luy avons trouvé appellation antique, sinon que comme la Becasse ha nom Ascolopax en Grec, & Gallinago en Latin, nous pourrions bien dire Gallinago minor, & Ascolopakion.

De l’autre Becassine.
CHAP. XXII.


CESTE autre espece de Becassine est moult semblable au susdit Becasseau : aussi est elle indifferemment nommee de mesme nom, comme s’il n’y avoit distinction es deux : mais estants oysillons differents l’un à l’autre, avons biens voulu descrire ceste autre separement. Car si bien elle est de mesme corpulence ressemblant la premiëre, neantmoins il y ha difference & au plumage, & au bec, qui est delié, & long, se terminant en poincte en toutes deux : toutesfois le precedent l’a comme taché, & picoté vers l’extremité, auquel endroit il est quelque peu grosset. Davantage l’autre ha la couleur du dos, du col, & des aelles beaucoup plus mouchetee. Ceste Becassine ha les jambes longuettes, deliës & noires, comme aussi sont ses pieds, & son bec. Elle est brune sur la teste, & par dessus le dos, tirant sur le cendré obscur, de plaisante couleur. Elle n’ha rien de madré que sur la teste, & depuis le bec suivant la gorge jusques à la poictrine, ou ses plumes sont mouchetees de blanc. Et depuis l’estomach tout le long du ventre, des cuïsses, & le dessous de la queuë, porte les plumes blanches comme neige : mais les grosses de la queuë sont madrees de noir. Qui luy ouvre les aelles la regardant par dessous, luy voit des madrures de blanc de moult bonne grace. Possible est-ce elle qu’on lit en Aristote au huittiesme livre des bestes, chapi. troisiesme, & au neufiesme livre chapitre douziesme, sous le nom de Cinclus. Cinclus (dit il) item minor est quam Tringa : non apud lacus solum, & fluvios, sed vitam etiam apud mare truducit. Et d’autant qu’il est oyseau habitant es lieux aquatiques, estant de petite corpulence, assez hault enjambé, il ha bonne partië des cuïsses toutes nues, & noires. Il hante plus en l’eau, que la Becassine. Il est aussi prins au rechargeouër. C’est un oyseau d’aussi bonne grace que nul autre. Il hante tousjours les rivieres, & sent quelque chose de bon, qui recree les sens, & qui retire au musc. Tant ceste-cy, que la precedente hochent tousjours la queuë : mais ceste-cy est de meilleur manger que la precedente, & dont le goust provoque à avoir l’appetit aguisé, & sçavoir mieux entendre la diversité du goust des bons vins : somme que le susdit, & cestuy-cy sont oyseaux moult delicats à manger.