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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/405

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lors on les prend à la passee, qui dure depuis la S. Michel jusques à la Toussaints. Il est meilleur quand le vent vient d’aval, que quand il vient d’ailleurs : & fait-on mieux quand le temps est orbe & sans vent : car les Pinsons en passent plus bas. Il fault chercher quelque bon lieu en bonne passee, & à ce faire convient gluer trois arbres en trepié bien bas, distants les uns des autres, & que les pieds soyent fueillars, & les mettre loing des grands chesnes, des gasqueres, des hayes, & buissons. Mais ayant esleu place en quelque petite chauve sera mise la mute des Pinsons, qui sont attachez à la ligne, & sera bon que les gluaux n’ayent que demy pied de long, & bien fort deliëz. Fault aussi avoir quatre ou cinq cagettes à un traict de pierre, ou seront de bons Pinsons appellants. Aussi fault estre des les point du jour à gluer les arbres. Les Pinsons sont en ce contraires à plusieurs oyseaux, Turtrelles, & Hirondelles, qu’ils cherchent le froid, & les autres le chauld.

Du Montain.
CHAP. XXIX.


LON trouve quelquesfois que noz paisans retiennent les dictions telles, que les anciens Grecs ont laissé par escrit, sans sçavoir dont cela leur vient : desquelles nous sommes souvent servy, pour exprimer quelque animal, ou plante : comme est advenu en ce Montain. Il est si proprement nommé en nostre langue Françoyse, qu’il seroit impossible de luy trouver nom mieux à propos : car nous n’y pensants point, l’avons ainsi voulu nommer de nom antique, correspondant à celuy d’Aristote, qui le nomme Orospizes. Oros en Grec, est à dire, montagne : & Spiza, Pinson : tellement que les Françoys le nomment vulgairement un Pinson Montain. Les autres dient Pinson d’Ardenne. Il n’ya ha paisan en tout le territoire Parisien, qui le nomme autrement que Montain. Il ha les meurs d’un Pinson, & le chant en deux sortes. L’un est quand il ha peur, qui est tout semblable à celuy d’un Pinson : L’autre est qu’il fait en rossignollant : mais il luy est beaucoup dissemblable, & qui approche plus à celuy d’une Chouëtte. Nous sçavons qu’il y ha quelques endroicts de France, ou il est nommé Paisse, ou Moineau de bois : mais c’est par erreur. Il est de corpulence & couleur d’un Moineau : & n’estoit qu’on l’ouïst chanter, lon auroit bien peine à le sçavoir distinguer de la Paisse. Tout ainsi que le Pinson ha deux lignes par le dessus des aelles en travers, qui sont de diverse couleur : tout ainsi ce Moineau les y ha en mesme endroit, mais sont de couleur fauve plus obscures que tannees. C’est un oyseau de moult grand courage : car estant navré n’ayant que bien peu de vie, encor se veut-il defendre & revencher, essayant tousjours à pinser & mordre. Son bec est grosset, & plus robuste que celuy d’un Pinson. Ses jambes, & pieds sont robustes, de la couleur de celles de la Grive. Il n’est malaisé accorder ce que dit Aristote de ce Montain au troisiesme chapitre du huittiesme livre, ou il met Orospizes collo coeruleo. Le commun Montain ha le col de couleur cerulee. Et en cecy ne fauldroit sinon dire qu’Aristote nomme nostre commun Pinson, Orospizes : & le Montain simplement Spiza.