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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/92

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On les trouve d’une saveur qui sent si fort la sauvagine, que plusieurs n’en peuvent gouster, au contraire des autres, qui les appetent grandement : car les appetits des hommes ne se resemblent en aucune maniere. Les petits Cygnes plus tendres que leurs peres sont vouëz le plus souvent pour les repas des Princes de ce païs cy, combien que les paisants les mangent ailleurs. Nous les mangeons plus souvent pour la nouveauté, que pour leur tendreur & bonne charnure. Les Pelicans, autrement nommez Poches, sont de mesme nourriture, & semblables aux Cygnes, toutesfois sont encor de plus dure digestion. Ils sont rares en France, mais vulgaires en Macedoine, & Egypte. Une Oye privee bien grasse, comme aussi la sauvage, sont en destimation, principalement en temps d’hyver. Les Oysons sont en leur saison au printemps & en esté, mais les hommes n’ayants esgard ha l’usage des viandes, encor qu’ils sçachent bien que touts oyseaux de riviere, & qui hantent les marais sont de chair escrementeuse, & de plus difficile digestion que les terrestres, ne laissent ha s’en nourrir, & s’estudier de les prendre avec divers engins. Les Canes, Canards sauvages, & privez, Harles, Sarcelles, Piëttes, Morillons sont communement de meilleur manger, & moins excrementeux que les Plongeons, Cormarans, Cravans, Castagneux, Macroulles, Jodelles. Les Mouëttes, & Caniards, comme aussi est l’oyseau qu’on appelle Bievre sont de chair rude, fibreuse, & beaucoup excrementeuse & maigre, quasi de mesme saveur que celle du Cormarant. Les oyseaux de riviere, qui ont jambes longues, & n’ont le pied plat, & qui ne nagent sur l’eau, mis en comparaison avec ceux qui ont les jambes courtes, & le pied large, & qui nagent sur l’eau, sont trouvez beaucoup plus delicieux en comparaison des autres : Car les oyseaux sont d’autant plus humides, & limonneux, qu’ils se treuvent tousjours par les marais, comme ceux qu’on voit tousjours en l’eau, ou dormants au rivage des estangs, qui ont la chair excrementeuse. Ne dira lon pas que les autres, combien qu’ils hantent en l’eau, neantmoins ne se mettent à nager dessus, & ne s’y tiennent que bien peu le jour, ne soyent de temperament moins humide que celuy des dessusdicts ? Aussi la plus grande partie est principale es delices des Françoys. Car encor que la Gruë ne fut onc louëe pour estre de bonne digestion, toutesfois ils la mangent es grandes assemblees, d’autant que les hommes ont plus d’esgard à sa rareté, qu’à la bonne nourriture qu’on en prend. Les Herons blancs & gris, Butors, Pales, Bihoreaux, Aigrettes sont de mesme. Mais les nations de differentes opinions ne s’accordent à telles delices : car nous voyons que les Venitiens ne font grand’ estime des Aigrettes, & moins des Butors, & quasi point du tout des Pales : desquels toutesfois les Françoys font moult grand cas. Pline & Macrobe parlants du Flambart, dient que quelques Empereurs ont eu extreme friandise d’en manger les langues. Mais Galien au troisiesme livre des aliments, est d’opinion contraire, disant que qui voudroit parler des langues des oyseaux, pour en donner nourriture aux personnes, luy sembleroit estre babillard. Et de vray il n’est oyseau qui ait langue charnuë, qu’on ne trouve dure, ou s’il y ha rien de bon, c’est si peu, qu’à peine s’en peut on appercevoir. Quand au demeurant, la chair en est viande royale. La Pie de mer, qu’interpretons Hematopus, est de tresmauvais manger. Quant à la Cigogne, Pline disoit au dixiesme livre de l’histoire naturelle, chapitre vingtroisiesme : Cornelius Nepos, qui divi Augusti principatu obiit, cum scriberet Turdos paulo ante coeptos saginari, addidit Ciconias magis placere