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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/128

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LE JOURNAL

solée, je m’en fatiguai peu à peu, comme l’on se fatigue de toute chose qui va contre le tempérament. Dans le recueillement qui m’avait isolée des chagrins que je fuyais, ces mêmes chagrins vinrent me rejoindre : ils s’y établirent, s’y développèrent, si bien que la solitude où j’avais cru trouver le seul bonheur qui me fût permis, l’oubli, me devint insupportable, odieuse. Des méditations que je m’étais imposées chaque jour au pied des autels, je revenais plus triste, plus abattue, plus découragée, le cœur plus meurtri, l’âme plus déchirée. Alors, au lieu de m’en prendre à moi-même, j’élevai la voix contre cette religion qui m’avait tant promis et qui n’avait rien tenu. Et mon irritation ressemblait un peu à celle de l’enfant qui trépigne de rage devant le couteau avec lequel il vient de se blesser, parce qu’il ne sait pas s’en servir.

L’abbé de la Vernière comprit, mais trop tard. Il essaya bien de me raisonner, de me calmer : je ne voulus rien entendre, et n’ayant pu trouver dans la solitude le réconfort que j’y cherchais, je le demandai à l’agitation. Je suis allée au monde que j’avais repoussé avec mépris et qui m’appelait, paré de ses plus brillantes séductions. Comme dans la religion,