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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/129

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D’UNE FEMME DU MONDE.

je m’y jetai à corps perdu, avide d’ivresse et d’étourdissement. On me vit voler de dîner en dîner, de fête en fête, de bal en bal, de théâtre en théâtre, sans repos, sans répit, frénétiquement, tant j’avais peur d’une minute de réflexion, d’un retour sur moi-même.

Partout je fus admirée, courtisée, adulée, choyée !

Un instant même je crus au bonheur que l’on m’enviait.

Hélas ! la réaction fut brusque, terrible. Devant l’inanité de cette vie insensée, je ne pus longtemps m’empêcher de frémir. Je m’arrêtai, comme l’animal blessé sur le bord du chemin, épuisée, dégoûtée d’une vie dans laquelle je n’entrevoyais plus de consolations.

Quelques jours je demeurai désemparée, appelant la mort de toutes mes forces.

Une dernière ressource s’offrit à moi. J’ai reçu, pour une jeune fille, une forte instruction : je résolus d’en tirer profit et d’employer à des travaux littéraires mon esprit inactif. Je dévorai fièvreusement toutes les pages de notre littérature où l’homme a pensé, gémi, pleuré ! M’étant adonnée à ces études sans méthode, sans mesure, avec exagération, presque par