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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/131

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D’UNE FEMME DU MONDE.

bonne mère ne saurait de ma bouche l’horrible secret de ma vie, le sacrifice que j’ai consenti en épousant M. Grandidier.

Elle est d’ailleurs admirable, ma chère maman : elle arrive chez moi, toujours fraîche, souriante, enjouée. Elle a fait un nombre incalculable de visites dans son après-midi. À peine a-t-elle le temps de m’embrasser, n’a pas celui de retirer son chapeau : il lui faut en effet courir prendre le thé chez Mme X…, puis s’habiller, dîner chez Y…, aller au bal chez les Z… et demain matin monter à cheval ou faire de l’automobile.

La vie est charmante, délicieuse, idéale ! Tout y est pour le mieux ; et dire qu’il y a des gens qui s’en plaignent : ce sont des sots et des raseurs.

Cependant, son instinct maternel devine sur mon visage, dans mes yeux, la tristesse que pourtant je dissimule de mon mieux. Alors, elle éclate :

— Ma chérie, ma petite loute adorée, mais qu’est-ce que tu as donc ? Je n’y comprends rien ! Te voilà toute drôle. Allons, pas de cachotteries et raconte-moi çà : je vais te guérir. De petits chagrins ?… Ah ! je devine : toujours cette maudite question d’argent. Par-