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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/144

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LE JOURNAL

Roger de Clarance est venu me voir cet après-midi. Cette visite, une simple visite de convenance, qui menaçait d’être banale comme les autres, s’est par l’effet du hasard transformée en un véritable événement. Tandis que j’avais devant moi cet homme, que j’ai toujours beaucoup estimé et dont les malheurs domestiques venaient de m’être révélés, la fantaisie me prit d’approfondir sa nature et son caractère, et de savoir s’il était bien réellement tel que je me le représentais.

A-t-il deviné le but que je me proposais en lui posant quelques questions discrètes sur ses goûts et ses préférences ? Dans ce cas je puis affirmer qu’il ne s’en est nullement froissé, puisque c’est de la meilleure grâce du monde qu’il s’est prêté au petit examen déguisé, mais en règle, que je lui ai fait subir. Notre conversation, ainsi lancée, ne pouvait demeurer, il est facile de le comprendre, dans le cadre des banalités tracé par les usages. Nous fîmes bon marché des lieux communs sans cesse rebattus dans les salons, et comme, tandis que nous conversions, une mutuelle sympathie s’éveillait en nous, nous rapprochait et nous mettait à l’aise, nous en arrivâmes à nous entretenir, non point comme des gens