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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/145

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D’UNE FEMME DU MONDE.

du monde guindés et gènes par l’étiquette, mais comme de bons camarades, qui parlent franchement et sans détour.

Puis, peu à peu, insensiblement, nous glissâmes aux confidences. Un scrupule cependant, comme une sorte de pudeur et de délicatesse, nous arrêta sur la voie des aveux. La conversation étant tout d’un coup tombée sur Jacqueline et sur M. Grandidier, nous nous tûmes. Mais ce silence était assez éloquent et nous n’avions plus rien à nous apprendre.

En cet instant, il me sembla qu’une vague de bien-être se répandait en moi. Toutes mes peines disparurent, inondées par ce flot bien faisant qui s’épanchait de mon cœur entr’ouvert. Un cri de joie et de reconnaissance au ciel, qui m’avait prise en pitié, faillit m’échapper ; quelqu’un venait de comprendre ma cruelle destinée, de compatir à mes souffrances ; désormais je n’étais plus seule dans la vie, abandonnée à mon sort, sans appui ni soutien : j’avais un ami !

Cependant les heures avaient fui, délicieuses et brèves.

Roger de Clarance se leva :

— Je vous demande pardon, Madame, d’avoir abusé… Je me retire.