Aller au contenu

Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
D'UNE FEMME DU MONDE.

l’amitié qui unit un homme et une femme, quand tous deux sont jeunes, beaux, ardents, n’est le plus souvent qu’une pente glissante qui conduit à l’amour. Que de pauvres créatures pleurent aujourd’hui leur dignité perdue pour s’être imprudemment aventurées sur cette pente fatale ; elles n’ont rien à se reprocher, ni une pensée malsaine, ni un serment criminel, rien, si ce n’est de s’être endormies dans les voluptés perfides d’une affection honnête au début. J’ai eu la minute de lucidité qui a été refusée à ces malheureuses : l’avenir m’est apparu. J’ai compris que, si je m’appartenais encore aujourd’hui, demain j’aurais perdu tout empire sur moi-même ; je ne serais plus que le jouet d’une passion violente.

Le devoir me trace mon chemin : j’y resterai jusqu’au bout, quoiqu’il m’en coûte.

Mais qui m’y aidera ?

« Souvenez-vous, ma fille, dans les ennuis qui pourront survenir, que la prière est la plus belle et la plus forte des consolations que Dieu a permises aux hommes. »

Hélas ! J’ai essayé de prier. J’ai demandé au ciel ce que le monde n’avait pu me donner ; le ciel est resté sourd à mes prières, comme le monde impuissant à les exaucer.