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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/164

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LE JOURNAL

fond, de plus fort, de plus suave et de plus discret.

Pourquoi cela n’a-t-il pas continué toujours ainsi ?

Je me plains. En ai-je le droit ? Ne dois-je pas plutôt remercier la Providence qui m’a éclairée et qui, brisant le rêve dangereux où je vivais, m’a fait voir à temps les dangers que je courais ?

Insensiblement, sur la pente de l’affection, je glissais de l’amitié innocente à un sentiment moins pur : mes sens, peu à peu, à mon insu, s’éveillaient en moi. Hélas ! le cœur a beau être haut placé, la chair est toujours faible. Ce devait être tôt ou tard la chute, la chute vulgaire, répugnante, ignoble, la honte !

Et moi, qui hier encore n’avais pas assez de pitié méprisante pour toutes ces femmes frivoles et légères, dont la vie me soulève le cœur de dégoût, j’allais être demain l’une d’entre elles !

Oui, je remercie Dieu de m’avoir avertie. J’ai pu rompre, et je l’ai fait d’un seul coup, sans plus tarder, l’idylle ébauchée, quelque innocente et quelque douce qu’elle fût encore.

Et cette vérité m’est alors apparue, brutale :