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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/169

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D'UNE FEMME DU MONDE.

pecter votre naïveté, et je le ferais, si je n’étais convaincu qu’il y va de votre bonheur.

— Votre amitié pour moi, Roger, vous aveugle. Je ne puis vous en vouloir, laissez-moi seulement vous raisonner. Nous ne sommes faits, ni l’un ni l’autre, grâce à Dieu, pour une vie de turpitude et de honte : la faute commise, le dégoût tout aussitôt viendrait. Entre nous se dresserait sans cesse, empoisonnant nos moindres actions, le remords, et nous ne pourrions bientôt plus nous voir, car nous serions, l’un pour l’autre, le reproche vivant du passé, le châtiment. Quelle rupture ou quelle existence après ! Pour quelques heures d’un bonheur criminel, nous serions voués pour toujours à la plus horrible des tortures. Nous serions déshonorés, non seulement aux yeux du monde, mais à nos propres yeux. Non, croyez-moi, mon ami, mieux vaut prévenir la faute que d’avoir à l’expier si durement. Soyez raisonnable : n’ébranlez pas mes sages résolutions. Vous m’aimez, dites-vous. Eh bien ! je vous en demande une preuve, la plus éclatante que vous me puissiez donner : partez ! Eloignez-vous de moi, quelque temps du moins.

— Raymonde ! Ou vous ne m’aimez pas,