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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/170

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LE JOURNAL

ou vous êtes d’une force qui m’étonne et me terrifie !

— Non, mon ami. Je vous aime et je ne suis pas si extraordinaire que vous voulez bien le dire. Je suis seulement prudente et vous ne l’êtes pas. Partez, Roger, je vous en prie !

À l’expression de son visage, j’ai compris la lutte terrible qui se livrait en lui.

— Ainsi donc, fit-il, votre arrêt est irrévocable ?

— Ce n’est pas un arrêt, puisque c’est une prière !

— Je n’attendais de vous que de la joie, et vous me faites en ce moment bien cruellement souffrir !

— Roger, ayez pitié !… Abrégez mon supplice et le vôtre !

Il se laissa tomber sur un divan, la tête entre les mains et murmura :

— Malheureux que nous sommes !

Il se releva soudain et d’une voix tremblante, entrecoupée :

— Eh bien, soit ! je partirai. Je m’éloignerai de vous, puisque telle est votre volonté, Raymonde. Vous ne me verrez plus que dans le monde, parmi ces mille indifférents qui