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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/19

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D’UNE FEMME DU MONDE.

Et tout un essaim de souvenirs auxquels je n’avais d’abord prêté qu’une attention superficielle, se mit à tourbillonner dans mon esprit. Toutes ces fêtes que donnaient autrefois mes parents au château de Clovers, toutes ces chasses splendides dont le récit m’était conté, tous ces dîners merveilleux dont je ne voyais jamais la fin, toutes ces réceptions que je ne faisais qu’entrevoir, tout cela, contraste frappant avec le sombre présent, repassa devant mes yeux, rêve vécu, en une apothéose de lumières, d’ors et de fanfares.

Quand je sortis de mes réflexions, je me trouvai dans une allée tapissée de mousse, qui s’enfonçait sous un berceau de verdure. Bien que je ne fisse pas de bruit en marchant, à droite et à gauche, dans les fourrés, partaient de petits oiseaux effarouchés, des merles et des grives. Un écureuil, qui jouait sur l’herbe, sa queue fauve relevée en panache, se dressa sur son séant quand il m’aperçut, découvrit son gilet blanc, s’élança sur un sapin et disparut en gloussant dans la ramure épaisse.

Tous ces animaux qu’un rien effarouchait étaient donc habitués à la solitude, au calme. Je me plus à le croire et sans doute cela flatta