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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/220

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LE JOURNAL.

costumes étranges, bariolés, véritablement carnavalesques, étaient étendus sur des peaux de bêtes et des tapis, et se tenaient enlacés. Quelques-uns portaient des masques grotesques, hideux. À l’avant, tout contre le fer de hallebarde, deux pages étaient assis, dont l’un jouait du violon et l’autre de la mandoline.

En nous apercevant, tous ces gens qui semblaient assoupis, se soulevèrent sur leur couche et nous saluèrent de joyeux éclats de rire :

— Ohé ! ohé ! Bécotez-vous, les amoureux !

Une femme s’était levée, titubant. Elle jeta le loup qu’elle avait sur les yeux et son visage apparut, d’une rare beauté. Elle tenait à la main une coupe que, de temps à autre, elle approchait machinalement de ses lèvres, bien qu’elle fût vide. Ses cheveux, qui avaient des reflets d’or, étaient parsemés de roses et tombaient en cascade fleurie sur ses épaules nues.

Elle clamait :

— Profitons-en, profitons-en ! La vie coule, coule sans trève, comme le ruisseau dans la montagne !… Chaque minute qui passe est un pas vers la tombe !… Les jours sont courts, les nuits surtout, pour ceux qui s’aiment ! Profitons-en, profitons-en ! Vive la