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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/219

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D'UNE FEMME DU MONDE.

— J’y ai déjà pensé.

— Vrai ?… Mais, hélas, cela ne se peut pas, cela ne se pourra jamais !

— Qui sait !

Je le regardai dans les yeux.

— Roger !… Que voulez-vous dire ? Vous me faites peur !

— Rassurez-vous, ma chérie. Je n’ai point de mystérieux projets. J’ai seulement voulu dire que le Ciel nous permeltra peut-être un jour de réaliser…

— Ne dites pas cela, Roger, je vous défends. C’est mal, très mal ! Notre bonheur serait alors édifié sur le malheur des autres, cela ne lui porterait pas chance, soyez-en sûr.

— Laissez-moi seulement espérer.

Il me prit la main et la baisa.

Des accords lointains de violons et de mandolines, glissant sur la surface des eaux, parvinrent à nos oreilles. Ils se rapprochaient. Au détour d’une ruelle, apparut une barque : des lanternes vénitiennes, suspendues à quelque fil invisible courant de l’avant à l’arrière, semblaient se balancer dans le vide. L’embarcation se dirigeait vers nous : elle passa tout près de la nôtre.

Des hommes et des femmes, vêtus de