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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/250

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LE JOURNAL.

Et cependant je me raisonnai : après tout, me répétai-je comme pour me convaincre moi-même, en quoi « cela » pourrait-il le contrarier ? J’allais être mère ? Eh bien ! mais quoi de plus naturel ! Ne devait-il pas s’y attendre ? Ne devait-il pas considérer comme possible, probable même, l’événement qui se produisait ? Ah ! si j’étais sa maîtresse dans l’acception que l’on donne communément à ce terme, si je m’étais d’une façon quelconque engagée à lui appartenir tout entière !… Mais ce n’était pas cela. En définitive, le fait matériel accompli ne pouvait porter atteinte à notre amour, qui repose sur une association de nos vertus, de nos sentiments et de nos pensées.

Hélas ! J’avais beau me torturer l’esprit par les sophismes les plus subtils, je ne parvenais pas à rétablir le calme dans mon âme agitée. Je restai donc devant Roger, muette et troublée, dans l’attitude d’un enfant qui a commis une faute, qui se trouve en présence de son maître et qui, n’osant la lui avouer, a la triste et douloureuse patience d’attendre que celui-ci la découvre lui-même.

Et peu à peu, un autre sentiment en moi prit naissance : la honte.