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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/278

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LE JOURNAL.

qu’il a tués. Nous les avons remis à un petit berger avec mission de les porter à Clovers.

Tout le long du chemin, j’éprouvai une joie délicieuse à effeuiller mes souvenirs d’enfance et à les communiquer à Clarance. Ici, c’était un pommier sous lequel j’allais jouer à la poupée ; là, dans cet enclos, un jour que j’étais avec ma nourrice, j’avais eu peur d’une vache ; plus loin, dans ce buisson, on m’avait montré une belette et, depuis lors, je n’étais jamais passé à cette place sans revoir dans mon imagination le gentil petit animal. La première jeunesse est semée de faits, généralement sans importance comme celui-là, qui demeurent si profondément frappés dans la mémoire qu’on les voit, tout le reste de la vie, avec la même netteté que le premier jour.

Nous ne sommes rentrés à Clovers qu’au soleil couchant. Dans la forèt, les faisans jetaient au jour mourant leur cri d’adieu, les perdreaux, tout le long des haies, se rappelaient les uns les autres. À l’entrée du parc, près de l’étang, une biche, qui venait sans doute se désaltérer, s’enfuit effarouchée devant nous, traversa une pelouse et disparut dans une futaie.

J’avais pris le bras de Roger ; nous mar-