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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/28

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LE JOURNAL

sons — tu penses, une journée — Ce que nous nous disons ? Mon Dieu, des choses insignifiantes et bien anodines, mais ça ne fait rien, je lui plais, il me plaît. Rideau. Le premier acte est fini.

— Tu as le génie de la narration.

— Tu trouves ? Ça n’est toujours pas moi qui suis allée le chercher. Je continue. Le second acte se passe dans le cabinet de mon père, à Paris, un soir, après dîner. Papa marche de long en large, maman est assise dans un grand fauteuil, accablée ; la lampe file. J’attends. Que va-t-il se passer ? Quelque chose de grave, c’est sûr. Je prends un air de circonstance et je fixe obstinément la tête de Minerve qui orne l’encrier de papa : il me semble qu’elle a son casque plus que jamais enfoncé sur les yeux : peut-être bien que c’est pour cacher ses larmes ou ne pas voir ce qui va se passer !… Un malheur est arrivé, je n’en doute plus. Monsieur mon frère a encore fait quelque sale blague : il va falloir se serrer le ventre pendant six mois. Ou bien… si la République était renversée ? Ça ne m’expliquerait guère la figure de la Minerve, et pas du tout celle de mes parents !…

Quand je suis sortie du cabinet de papa,