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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/36

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LE JOURNAL

des sous et nourrissait un projet qu’il devait bientôt réaliser. Le patron était criblé de dettes ; on le menaçait de vendre l’usine. Grandidier l’acheta et dès lors travailla pour son compte. À côté de la vieille laminerie, il en créa une autre, puis une troisième. Entre ses mains puissantes, l’entreprise devint alors colossale et le vieux Grandidier mourut à soixante-cinq ans, tué par un labeur acharné, laissant à son fils unique la bagatelle de vingt millions et trois usines qui rapportent par an des sommes considérables.

Comme on le voit, M. Raoul Grandidier est puissamment riche ; il est, je crois, plus orgueilleux encore : la moindre allusion à l’origine modeste mais honorable de son père, comme le rappel d’une tache qu’il voudrait effacer de son passé, le fait rougir de honte.

Son physique est l’expression très exacte de son caractère et de son âme. Il suffit de voir l’homme, sa psychologie vous est connue. Il est très gros, ce qui est pardonnable ; il a la vanité de se croire important, ce qui ne l’est pas. Il se présente en public, maniéré, imposant, encombrant ; on croirait que le monde lui appartient. Quand il dit « moi », ce qui lui arrive à peu près toutes les fois qu’il ouvre la