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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/42

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LE JOURNAL

fait beau ou mauvais temps, car quand il fait beau, il cultive lui-même son jardinet et quand il pleut, il s’occupe de menuiserie.

Il s’excuse de son mieux, nous débarrasse de tout ce qu’il croit pouvoir nous gêner, nous fait entrer dans son salon, ouvre les volets qui sont toujours fermés et fait apporter des biscuits, une bouteille de vieux vin et un flacon d’eau-de-vie qu’il tient de Monseigneur :

— C’est de la bonne, goûtez-moi ça, Madame la Marquise, et vous, Mademoiselle Raymonde ?… Goûtez-moi ça, vous m’en direz des nouvelles.

Et quelque répulsion que nous ayons pour toutes ces boissons qui vous brûlent la gorge, il faut, bon gré mal gré, que nous nous exécutions, sous peine de froisser notre hôte. Lui, verse lentement, remplit le petit verre de liqueur, le porte à son nez, lève les yeux au ciel, place sa main gauche sur son ventre bedonnant et boit le liquide, à petits coups, avec recueillement, avec délice, avec dévotion : on dirait qu’il accomplit un des actes les plus solennels de son ministère.

Malheureusement, ce brave homme a l’intelligence à l’image de son corps qui est très épais, et l’habitude de commercer avec des