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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/68

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LE JOURNAL

Pour la première fois de ma vie j’étais cruelle : je le compris et en ressentis sur le champ une vive affliction.

Lui cependant semblait atterré.

— Mademoiselle Raymonde !… Je vous en supplie !…

La douleur de cet homme me faisait peine à voir : je regrettais presque ma franchise.

— Je vous en supplie ! répétait-il. Ah ! que n’ai-je votre esprit et votre parole : comme je vous dirais alors tout ce que j’éprouve, tout ce qui se passe en moi, la flamme qui me dévore, et comme vous me comprendriez !

Il était maintenant à mes genoux.

— Monsieur !… Monsieur !… m’écriais-je effrayée, vous n’y pensez pas !… Si quelqu’un venait, nous voyait !… De grâce, relevez-vous. Je vous écouterai, mais relevez-vous !

Mais il n’entendait rien.

— Oui, je sais bien, murmurait-il, c’est fou, c’est fou de ma part de prétendre à votre main ! J’en suis mille fois indigne ! Vous avez toutes les qualités et je n’en ai aucune !… Vous êtes belle et je suis laid, vous avez de l’esprit et je n’en ai pas, vous êtes aristocrate dans toute votre personne, et moi, quoique