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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/67

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D'UNE FEMME DU MONDE.

confirmation de mes craintes, j’éprouvai en la recevant la sensation que doit éprouver un homme qui reçoit une balle en pleine poitrine : aucune souffrance, mais comme un vague étonnement ; il se demande ce qui arrive, s’il rêve, s’il vit, et il demeure ainsi quelque temps, immobile, le sang glacé, l’œil fixé sur son meurtrier, l’âme partagée entre l’ahurissement et la frayeur.

Sans doute M. Grandidier s’attendait à être repoussé immédiatement, brutalement, car après quelques instants de silence, il reprit, profondément troublé :

— Ah ! vous n’avez pas dit non !… Dieu soit loué ! C’est donc que vous me donnez de l’espoir, que vous…

Mais j’avais maintenant recouvré tout mon sang-froid, et résolue à couper court à cet entretien pénible, je répondis :

— Monsieur, j’ai le regret de vous dire que vous avez mal interprété mon silence. Vous m’aimez, dites-vous ? Mon plus grand chagrin serait qu’il en fût ainsi, car…

— Achevez ! achevez !

— Je ne répondrai jamais — autant vous le faire savoir tout de suite — au sentiment dont vous voulez bien m’honorer.