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Page:Pierre Corrard - Les Opalines, 1908.pdf/104

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RÉMINISCENCE


Un coin de Normandie : un chaume découvert
Où les perdreaux épars trottaient au crépuscule ;
Des ajoncs emmêlés où les lapins circulent ;
Un ruisseau dans un bois et quelques enclos verts.

Très peu de chose en somme et toute mon enfance !
Quelques mètres carrés, grands comme un univers,
Et des espoirs en tas, des rêves… et des vers,
Tout ça monumental, vertigineux, immense !
 
Avoir la brise en poupe et l’avenir devant,
L’avenir qui s’étend comme une mer énorme,
L’avenir qui surgit, vous grise, encore informe,
L’avenir immortel… qui fond en un instant !

Tant qu’on l’a devant soi, pour éclairer sa route,
Qu’elle est illuminée et qu’on va triomphant,
Il semble que l’on vive un infini printemps,
Ou qu’on dorme un sommeil qui chante et qu’on écoute.

Mais un soir on s’éveille, et l’on regarde. Tout
Est par derrière, tout. Devant soi, c’est le vide,
Le vide épouvantable, insatiable, avide,
Et qui boit goulûment ce qui reste de nous !