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Page:Pierre Corrard - Les Opalines, 1908.pdf/105

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LES OPALINES


Ha ! vous ne savez pas — on le voit à vos mines ! —
Vous ne savez pas, vous, les jeunes qui partez,
Ce que c’est que le soir, l’automne après l’été,
Où l’on porte sa vie, en sac, à son échine.

Le chemin dépeuplé des rêves qui battaient,
Que jonche maintenant l’or des feuilles qui tombent,
Rétrécissant, la route aux abords de la tombe,
Qui vous sourit de loin et qui vous attendait.

Oh ! comme intensément ma pauvre âme mortelle
Sentait son peu de chose et qu’elle n’est qu’un fil !
Comme l’obscurcissait l’heure au sombre profil,
Qui n’a plus l’azur bleu, sans borne, devant elle.
 
Un papillon surgit qui la troubla, velu.
Amant écervelé de la mort et des lampes.
De son aile d’ouate il me frôla la tempe :
Or, dans mon cœur éteint, le chant ne chantait plus.

La nuit avait rempli son lugubre domaine,
Les monts dressaient aux cieux leurs désirs impuissants,
Et dans le fond du val la lune surgissant,
Errait comme un grand spectre en blanc qui se promène.