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Page:Pierre Corrard - Les Opalines, 1908.pdf/73

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LES OPALINES


Donc je sais aujourd’hui qu’apparemment comblée,
Vous portâtes vingt ans dans votre cœur profond
L’immense solitude aux vides horizons,
Que vous fûtes vingt ans en vous-même exilée.

Oui, je sais aujourd’hui que passa votre été
Ainsi qu’en travesti, vêtu d’habits de soie,
Le chapeau d’allégresse et le masque de joie,
Comme un malade las que l’on aurait fardé.

Je sais tout maintenant, puisqu’en ce soir d’automne,
Au choc sur votre cœur d’une feuille qui chut,
Vous me l’avez ouvert, tout saignant et déçu,
Tandis que vos lèvres disaient : « Ça vous étonne ! »

Ô charme délicat d’un aveu féminin !
Jamais je n’oublierai le sentier qui chemine
Animé par instant d’une verve gamine
Parmi le crépuscule et le long du ravin.

Je n’oublierai jamais cette larme furtive
Où s’irisaient, je crois, vos rêves trépassés,
Et que je vis, tombant, choisir pour la bercer
Un menu brin tremblant de bruyère attentive.