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Page:Pierre Corrard - Les Opalines, 1908.pdf/83

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LES OPALINES


Ce jour-là, le premier de sa pesante vie,
Dieu sourit : il avait à sa neurasthénie
Découvert soudain un remède ingénieux,
Grâce auquel il saurait ce que c’est qu’être Dieu.

Il sourit, et souffla dans le néant stupide :
L’homme s’en dégagea : son âme était limpide ;
Il était ébahi de vivre et insouciant :
Dieu, pour qu’il le connût, l’avait voulu conscient.

Il lui dit donc ceci, à ce tout premier être,
Qui n’eût pas demandé mieux que de ne pas naître :
« Je t’ai fait, parce que d’être seul j’étais las ;
Sans toi pour m’obéir je ne me goûtais pas.
 
Je te donne la vie, et pour que tu en uses,
Je t’ai voulu conscient, mon brave : ça m’amuse.
Etant conscient, tu dois faire ce que j’entends,
Ou, dame, être puni : c’est juste ! — Es-tu content ? »

L’homme ouvrit de grands yeux, et comme il était homme
C’est-à-dire bien chétif, ainsi que nous le sommes,
Il accomplit son destin : il pécha. — Désormais,
Il souffre pour expier, et n’expiera jamais.