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Page:Pierre Corrard - Les Opalines, 1908.pdf/94

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LES CHAMPS ÉLYSÉES

Je regardais passer ce flot, toujours plus fort.
Je regardais là-bas, symbole des batailles,
Où doit s’ensanglanter cruellement l’Effort,
Le ciel rougissant de blessures d’entrailles.

Alors, cheveux au vent, dans l’ombre où je passais,
J’eus un cri puissant, sourd, que n’entendit personne,
Un cri qu’on aurait cru le hurlement d’essai
Du jeune fauve qui fait peur, et s’en étonne.

Et puis tout frémissant d’espoirs sans bornes, tous,
Je montai l’Avenue en un besoin de vivre !
Ma jeunesse exultait, m’énervait les genoux :
L’avenir s’allongeait devant moi : j’étais ivre !

Un rêve fulgurant, comme une volonté,
Me saisit au cerveau. Fantastique seconde
Où je jurai sur place et sans même hésiter,
De conquérir Paris, c’est-à-dire le monde !

Enfant !… Que voulais-tu de plus que tu n’avais !
Il te fallait tenter d’étonnantes prouesses !
Que ne te voyais-tu marchant quand tu rêvais :
La gloire, tu l’avais : mais c’était ta jeunesse !