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ment de la Statique sans que la marche de ce développement nous eût semblé essentiellement différente de celle qu’on lui attribuait communément.

Nous avions commencé à retracer ce développement en les pages hospitalières de la Revue des questions scientifiques, lorsque la lecture de Tartaglia, dont aucune histoire de la Statique ne prononce même le nom, vint inopinément nous montrer que l’œuvre déjà amorcée devait être reprise sur un plan entièrement nouveau.

Tartaglia, en effet, bien avant Stevin et Galilée, avait déterminé la pesanteur apparente d’un corps posé sur un plan incliné ; il avait très correctement tiré cette loi du principe dont Descartes devait plus tard affirmer l’entière généralité. Mais cette belle découverte, dont aucun historien de la Mécanique ne faisait mention, n’était pas le fait de Tartaglia ; elle était, dans son œuvre, un impudent plagiat ; Ferrari le lui reprochait durement et revendiquait cette invention pour un géomètre du XIIIe siècle, pour Jordanus Nemorarius.

Deux traités avaient été publiés, au XVIe siècle, comme représentant la Statique de Jordanus ; mais ces deux traités étaient si différents, ils se contredisaient parfois si formellement, qu’ils ne pouvaient être l’œuvre d’un même auteur. Si nous voulions connaître exactement ce que la Mécanique devait à Jordanus et à ses disciples, il nous fallait recourir aux sources contemporaines, aux manuscrits.

Force nous fut donc de dépouiller tous les manuscrits relatifs à la Statique que nous avons pu découvrir à la Bibliothèque Nationale et à la Bibliothèque Mazarine. Ce dépouillement laborieux, pour lequel M. E. Bouvy, Bibliothécaire de l’Université de Bordeaux, voulut bien nous aider de ses conseils très compétents, nous a conduit à une conséquense absolument imprévue.

Non seulement le moyen âge occidental avait reçu, soit directement, soit par l’intermédiaire des Arabes, la tradi-