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notions de poids et de masse sont alors indistinctes) par la vitesse du mouvement imprimé à ce corps. Une même puissance peut donc mouvoir successivement un corps lourd et un corps léger ; mais elle mouvra lentement le corps lourd et vivement le corps léger ; les vitesses des mouvements imprimées à ces deux corps seront inversement proportionnelles à leurs poids.

Cette pensée est exprimée dans maint passage ; citons seulement celui-ci[1], dont la netteté est extrême : « Quelle que soit la puissance qui produit le mouvement, ce qui est moindre et plus léger reçoit d’une même puissance plus de mouvement….. En effet, la vitesse du corps le moins lourd sera à la vitesse du corps le plus lourd comme le corps le plus lourd est au corps le moins lourd. — Ἐπεὶ γὰρ δύναμίς τις ἡ ϰινοῦσα, τὸ δ’ ἔλαττον ϰαὶ τὸ ϰουφότερον ὑπο τῆς αὐτῆς δυνάμεως πλεῖον ϰινηθήσεται… Tὸ γὰρ τάχος ἕξει τὸ τοῦ ἐλάττονος πρὸς τὸ τοῦ μείζονος ὡς τὸ μεῖζον σῶμα πρὸς τὸ ἔλαττον. »

Ce principe fondamental de la Dynamique péripatéticienne est, semble-t-il, la traduction fidèle et immédiate des données les plus obvies de notre quotidienne expérience. La Dynamique moderne le réputé erreur grave. Mais, pour rejeter cette erreur, il a fallu à la science deux mille ans de méditations, conduites par les plus grands esprits qui se soient succédé d’Aristote à Galilée. Nous essayerons quelque jour de retracer les principales phases de ce gigantesque effort intellectuel. Mais aujourd’hui, nous nous efforcerons d’oublier ce que la Mécanique moderne nous a enseigné et de nous pénétrer des lois acceptées par la Mécanique péripatéticienne. À cette condition seulement nous pourrons comprendre la pensée des géomètres qui, de siècle en siècle, vont faire progresser la Statique.

Deux puissances seront donc regardées comme équiva-

  1. Aristote, Περὶ Οὐρανοῦ, Γ, β. Édition Didot, t. II, p. 414.