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On ne saurait se défendre d’une curiosité émue en feuilletant ces notes laissées par Léonard de Vinci ; toutes les pensées, toutes les images qui se sont présentées à l’esprit du grand artiste se retrouvent là, témoignant, par leur diversité et leur désordre même, du génie universel qui les a conçues.

Des dessins innombrables, à la plume ou à la sanguine, représentant des figures d’hommes ou d’animaux, des feuillages, des églises, des machines, des plans de monuments ou de forteresses, des vagues ou des ressauts de cours d’eau, des croquis géométriques, s’enchevêtrent avec les lignes serrées d’une écriture droite, régulière, tracée de droite à gauche.

La variété est extrême des sujets auxquels se rapportent ces lignes. Comptes domestiques, recettes de peintre, souvenirs personnels, anecdotes au gros sel gaulois, pièces de vers, voisinent avec des réflexions profondes sur les arts et les sciences ; ces réflexions elles-mêmes tantôt se suivent en pages nombreuses, régulières ei ordonnées, ébauche déjà presque achevée d’un traité de peinture, d’un traité d’hydraulique, d’un traité de perspective ; tantôt elles consistent en courtes phrases dont les ratures, les redites, les contradictions, les inachèvements révèlent le labeur intense du penseur à la recherche de la vérité.

Parmi ces fragments plus ou moins achevés, il en est un grand nombre qui concernent les diverses branches de la Mécanique, science que Léonard cultivait avec passion. « La mechanica, disait-il[1], e il paradiso delle scientie matematiche percheche con quella si viene al frutto matematicho. »

Or, en 1797, Venturi[2] signala l’extrême importance

  1. « La Mécanique est le paradis des sciences mathématiques, car c’est par elle que ces sciences atteignent le fruit mathématique » (Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ; Ms. E de la Bibliothèque de l’Institut, fol. 8, verso. Paris, 1888).
  2. Venturi, Essai sur les ouvrages de Léonard de Vinci. Paris, 1797.