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ment l’étude du poids d’un grave qui glisse sur un plan incliné ; on ne peut feuilleter ses manuscrits sans rencontrer à chaque instant, avec de menues variantes, un même dessin : sur une poulie, une corde est tendue par deux poids qui glissent sur deux plans inégalement inclinés.

La recherche des lois qui président à l’équilibre d’un tel mécanisme a certainement sollicité les efforts incessants de Léonard ; d’emblée, il a reconnu qu’un poids glissant sur un plan incliné tire sur la corde qui le soutient moins fort que s’il descendait en chute libre et d’autant moins fort que le plan est moins incliné ; mais ce renseignement qualitatif ne saurait satisfaire le géomètre, qui exige une relation quantitative.

Pour obtenir cette relation, Léonard de Vinci multiplie et varie les tentatives ; en voici une qui, par des considérations quelque peu étranges, lui donne un résultat qui approche de la vérité.

Il se propose de comparer les vitesses avec lesquelles une même sphère tombe sur des plans diversement inclinés. Il remarque que lorsque la sphère est en équilibre sur le plan horizontal, le centre de cette sphère est sur la verticale du point par où elle touche le plan ; la distance du centre de gravité à cette verticale croît avec l’inclinaison du plan et, en même temps, croît la vitesse avec laquelle la sphère, livrée à elle-même, descend ce plan. Il suppose, dès lors, qu’il y a proportionnalité entre la vitesse de la descente et la distance du centre de gravité à la verticale du point d’appui ; de là, il tire sans peine cette conclusion : la vitesse avec laquelle une sphère tombe sur un plan incliné est à sa vitesse en chute libre dans le même rapport que la hauteur de chute à la longueur de la ligne de plus grande pente décrite par le mobile. D’ailleurs, pour Léonard de Vinci comme pour Aristote, l’intensité d’une action mécanique est proportionnelle à la vitesse qu’elle communique à un mobile