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peinture ; Vasari, dans ses Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[1], raconte avoir vu ce traité autographe entre les mains d’un peintre milanais, qui voulait le faire imprimer à Rome. Léonard avait également achevé la rédaction d’un Traité de perspective ; Cellini, dans l’ouvrage qu’il publia à Florence, en 1568, sur le même sujet, dit à plusieurs reprises qu’il avait en mains ce Traité, qu’il l’avait prêté à Sarlio, et que celui-ci en avait tiré ce qu’il y a de mieux dans son ouvrage.

De ces Traités de Léonard, des copies, des extraits plus ou moins fidèles, circulaient en Italie et hors de l’Italie ; c’est d’après une telle copie, envoyée par Del Pozzo, que Du Fresne, en 1651, fit imprimer à Paris le Traité de la Peinture. Une autre copie, plus complète, conservée à la Bibliothèque Vaticane, permit à Manzi d’en donner, en 1817, une édition moins appauvrie.

Les peintres et les dessinateurs savaient quel profit ils pourraient tirer du pillage des manuscrits de Léonard ; les mécaniciens n’étaient guère moins avertis. Au xvie siècle, les machines qu’il avait inventées étaient encore en usage et gardaient le nom de leur auteur[2]. Ceux donc qui s’intéressaient à la théorie de l’équilibre et du mouvement étaient assurés de découvrir un riche butin d’idées neuves dans la collection que l’incurie des Melzi livrait aux déprédations.

A Milan, non loin de la maison de Vaprio qui gardait si mal ce trésor, vit Jérôme Cardan. Jérôme Cardan est un de ces esprits universels que produisait l’Italie, merveilleusement féconde, du xve et du xvie siècle ; comme Léonard de Vinci avant lui, comme Galilée après lui, il semble apte à comprendre toutes les sciences et à les perfectionner toutes. Médecin de grand renom, il s’adonne à l’algèbre et fait faire à la théorie des équations des pro-

  1. Vasari, Vite…, t. VII, p. 57. Fiorenza, 1550.
  2. Lomazzo, Tratatto della pittura, p. 652. Milano, 1583. — Idea del tempio della pittura, p. 17 et p. 106. Milano, 1590.