meules au lieu d’une ; chacune d’elles lui moudra cent fois moins de grain. Un poids donné, tombant d’une hauteur donnée, représente une puissance motrice déterminée ; cette puissance, on peut la morceler, en varier l’emploi à l’infini ; on ne l’accroîtra pas.
Cette vérité coupe court aux espérances de celui qui cherche un perpétuel moteur ; elle laisse le champ libre aux rêves de celui qui poursuit la réalisation d’un perpétuel mobile.
Sans demander à un engin aucun effet mécanique extérieur, mais aussi sans exercer sur lui aucune action, ne pourrait-on voir cet engin, une fois mis en branle, se mouvoir indéfiniment ? Ne pourrait-on, par exemple, construire une roue si parfaite qu’une fois lancée, elle tournerait autour de son axe sans s’arrêter jamais ? Ne pourrait-on agencer une horloge à poids exactement égaux, où le poids qui est parvenu en haut de sa course descendrait à son tour en relevant le poids dont la chute avait causé son ascension, en sorte que cette horloge perpétuelle se remonterait elle-même ?
C’est folie de demander un mouvement perpétuel à une impulsion initiale, car la puissance motrice de cette impulsion, ce que Léonard de Vinci nomme sa « forza » ou son « impeto », ce que Leibniz nommera sa force vive, va s’épuisant sans cesse ; c’est folie également d’attendre d’un agencement de poids un perpétuel mobile, car la gravité tend toujours à l’équilibre ; tout mouvement produit par elle a pour terme le repos :
« Aucune chose sans vie, dit Léonard de Vinci[1], ne peut pousser ou tirer sans accompagner la chose mue ; ces moteurs ne peuvent être que forza ou pesanteur ; si la pesanteur pousse ou tire, elle ne fait ce mouvement dans la chose que parce qu’elle désire le repos, et aucune
- ↑ Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien. Ms. A de la Bibliothèque de l’Institut, fol. 21, verso. Paris, 1881.