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néphélococugie

Ilz blasonnent leur voix claire, sonnante et pleine,
Prochaine des accens que tient la voix humaine,
Et le cygne sacré au loing dardant Phœbus,
Qui chante doucement aux rivages herbus
Du fleuve de Méandre, et chantant se lamente
De la mort qui desjà voisine le tourmente.
Ilz les nomment Oyseaux qui ne vont en tout temps,
Sinon en la saison que florist le printemps,
Et fuyent en esté lors que la canicule
De ses rayons ardens toute la terre brusle,
Volages, incertains, farouches, passagers,
Et n’ayment rien surtout que les lieux estrangers,
Vilains extrêmement d’aspect et de figure,
Phlegmatiques et pleins de salive et d’ordure ;
Et pour les mespriser encore plus entr’eux,
Quand ilz vont dénotant un homme paresseux,
Fayneant, imbecile et de nulle entreprise,
Et qui rien du passé, rien du present n’advise,
Laissant couler le jour et la nuict sans avoir
Dedans l’esprit le soing de suivre son devoir,
Et ayant mauvais bruict à cause de sa femme,
Disent qu’il est Cocu scandaleux et infâme,
Ne voulans exprimer par autre nouveau nom
Sa grande lascheté et son mechant renom.
Ilz les blâment aussi qu’ilz vivent solitaires,
Qu’ilz hayent leur espèce, et qu’ilz luy sont contraires,
Seulz de tous les Oyseaux qui vivent en discord
Et ne peuvent ensemble avoir aucun accord.
Ce n’est tout que cecy, ilz les notent de vice,
Les appellent ingrats et farcis de malice,
De quoy ilz vont tuant ceux qui les ont nourriz :
Et de là les Françoys ont le proverbe appris,
Qui taxant des ingrats la méchante nature,
Les nomme de Cocus l’ingrate nourriture
Et les faict ressembler aux Cocus qui n’ont pas,
Comme est le dict commun, la nature d’ingratz.