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néphélococugie

C’est un plaisir, lorsque contre luy j’use
Avec risée ensemble d’une ruze,
Et que l’enfant marry je contrefais,
Que je m’eelle et bercer je me fays
Par mes goujatz instruictz au badinage,
Qui vont usant vers luy d’un tel langage :
« Venez, vilain, venez d’un pied legier
« Et nous sçachez qu’a l’enfant à crier,
« Et advisez, quoy qu’il couste et qu’il vaille,
« De luy donner ce qu’il veust qu’on luy baille. »
Il est contrainct de s’en venir à moy
Me demander qui cause mon emoy,
De quoy je pleure et de quoy tant je crie.
Je luy respondz que c’est de grand’envie
Que j’ay d’avoir dix escus de sa main.
Lors mes goujatz luy escrient soudain :
« Baillez, vilain, ce que l’enfant demande. »
Que si je voy qu’il songe et qu’il attende,
Je le menasse et l’estrille si bien
Qu’il baille argent, encores qu’il n’ayt rien.
Que diray plus comme je m’accommode
Des larrecins desquelz j’use à ma mode ?
Les bons chevaux qu’en volant je fay miens,
Coupant l’oreille et les crins je retiens
Pour mon usage et vay par la campaigne
Sans que sur eux aucun adveu je craigne :
Les beufs aussi, les vaches, les brebis
Je vay changeant en somptueux habitz,
Dont je piaffe : et fraizant ma chemise
Comme seigneur je veulx que l’on me prise,
Et me fais noble et parlant des ans vieux,
Je vay nombrant mes anciens ayeulx,
Je vay prenant des feintes armoiries
Et je me donne aussi des seigneuries,
Bien que je soys si pauvre et Kaimant
Qu’une maison je n’ay pas seullement.