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une descente au monde sous-terrien

— Flotte ! lui disait tout bas l’excellent zoologue ; flotte, et que la Providence te conduise sur le chemin d’un navire !

Nous avons vu que ce vœu devait être exaucé, par suite du passage du capitaine Kerbiquet au sud de l’Australie.

Mais ceci n’était une précaution qu’en ce qui concernait l’avenir, et même un avenir dont l’éloignement restait douloureusement indéterminé ; le présent demeurait baigné dans toutes les incertitudes et dans toutes les angoisses.

Il se compliqua bientôt, ce présent, d’une scène inattendue, et dont le calme Cornélius Van de Boot n’avait certainement pas rêvé. Les deux Anglaises, que la lassitude avait terrassées, s’éveillèrent. La jeune, car il y en avait une jeune, ne dit trop rien ; mais l’autre, car il y en avait une autre, traversa le rocher, vint droit au savant, et lui dit :

— Parlez-vous anglais ?

— Oui, répondit-il imprudemment.

Et, s’il avait su ce qui devait fondre sur lui à la suite de cette confidence, l’académicien de Saardam aurait soigneusement dissimulé sa connaissance de la langue de Shakespeare et de Charles Dickens.

Mais c’était un esprit tant soit peu candide, que le professeur Van de Boot, et il ne soupçonnait pas le mal. Il répondit donc « oui » en toute confiance. Et la vieille insulaire, brandissant une mâchoire qui aurait du servir d’enseigne à une fabrique de pianos, déclara d’un ton aussi peu aimable que possible :

— J’ai faim.

Van de Boot leva vers elle des yeux doux, des yeux de gazelle.