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une descente au monde sous-terrien

yeux émettaient une lueur violette, se suivant en silence dans cette cheminée colossale et tourmentée, et descendant, descendant toujours.

Les trois naufragés, au cours de cet extraordinaire voyage, souffraient le martyre. Les Kra-las qui les portaient les avaient assujettis sur leurs épaules pour avoir la libre disposition de leurs bras, mais les malheureux vivaient dans une angoisse qu’il est facile d’imaginer, se demandant jusqu’à quel point de l’épaisseur terrestre on les emportait, perdant tout espoir de revoir jamais le jour, et rudement meurtris contre les parois du puits chaque fois que le saut les mettait en contact avec la roche dure. Ils avaient, en outre, la peur continuelle d’une chute qui les aurait massacrés, eux et leurs Kra-las, dans le fond du gouffre.

La vieille Anglaise ne vociférait plus depuis longtemps ; elle était anéantie ; son intelligence se troublait sous l’empire de la terreur, et elle s’imaginait que des démons l’emportaient en enfer. La plus jeune s’était évanouie de nouveau, ce n’était plus qu’un paquet inerte que transportait son ravisseur. Pour Cornélius Van de Boot, il attendait la mort, qui devait inévitablement clore cette aventure, avec la résignation qui faisait le fond de son caractère de vieux savant.

Et c’est à ce moment-là que tous trois faillirent être noyés.

La descente que nous décrivons durait depuis huit heures environ, et la jeune Anglaise venait de reprendre connaissance sous l’excès même de la douleur, lorsque le Kra-la qui conduisait les autres, disparut tout à coup dans le noir, comme s’il y eût piqué la tête. Les autres le suivirent avec rapidité,