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une descente au monde sous-terrien

Lorsqu’il eut parlé à l’oreille de Johann Wurtzler, Van Ah Fung s’en fut vers son négrillon, qui, malgré la vive fraîcheur de ce soir de février, s’endormait sur les valises. Et comme il était furieux, il le réveilla d’une calotte à lui retourner la tête, et lui dit :

— Suis-moi.

Les Chinois se croient infiniment supérieurs aux nègres ; et c’est sur cette assurance qu’ils ne manquent jamais de les brutaliser, surtout quand ils se sentent plus forts qu’eux. Avec Congo, Van Ah Fung n’aurait probablement pas risqué l’expérience :

L’enfant pleurnichant reprit cependant ses valises, et suivit Van Ah Fung l’emmena vers un cabaret borgne du port, et le fit attendre devant la porte, tandis qu’il y pénétrait.

Il alla droit vers un gros homme qui portait un collier de barbe rousse, des anneaux d’or aux oreilles, en tricot bleu, un pantalon café au lait malpropre, dans des bottes, et un surtout de toile cirée.

— Où est le capitaine ? demanda-t-il.

L’individu se retourna. C’était le second d’un caboteur à l’ancre dans le port. Il ne reconnut pas Van Ah Fung, qu’il n’avait vu qu’avec sa petite casquette, sa perruque et son fer à cheval rouges. Il répondit insolemment. Il était d’ailleurs ivre à tomber :

— Qu’est-ce que tu lui veux, au cap’taine ?

Van Ah Fung se redressa, autant que possible, avec dignité, cependant que la colère commençait à lui agiter la bile.

— C’est moi qui ai affrété le Brochet, dit-il, et nous partons à minuit.