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une descente au monde sous-terrien

Et il buvait, buvait pendant de longues secondes, buvait sans arrêt délicieusement comme s’il eût eu dans la poitrine tout le feu de l’enfer.

On le montait sur un mastodonte, car il lui aurait été totalement impossible d’y grimper lui-même, et là, par phrases hachées et décousues, tandis qu’on reprenait rapidement la route du camp, il racontait son aventure. Puis il s’endormait d’un sommeil semblable à une léthargie, semblable à la mort même, et dont rien ne l’aurait tiré.

Jean Kerbiquet, n’avait pas eu, pendant sa traversée du désert la chance de rencontrer sur sa route, comme l’expédition principale, une oasis. Pendant tout le temps qu’il était demeuré sur la terre ferme, il n’avait rencontré ni un brin d’herbe, ni une goutte d’eau. Perpétuellement, sous ses pas, s’était déroulé le sol de sable et de roches grises chauffé depuis les siècles des siècles ; perpétuellement, sur sa tête, avait braisillé le globe incandescent qui sert de soleil aux habitants du monde intérieur ; perpétuellement la lumière cruelle avait brûlé ses yeux ; perpétuellement, l’horizon avait déployé devant lui ses brumes sinistres.

Le capitaine avait vaillamment résisté ; l’existence rude qu’il avait choisie le préparait à ces épreuves. Son escorte avait bientôt faibli, malgré le courage et la résignation dont les Sous-Terriens faisaient preuve. La sécheresse avait compromis rapidement la santé de ces aquatiques, et la fièvre s’était emparée de leurs corps privés d’eau. Cependant, ce n’étaient pas eux qui étaient tombés les premiers ; c’était le mastodonte, alors qu’on arrivait aux deux tiers de la route. C’est, d’ailleurs, ce qui se produit habituellement lorsque