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une descente au monde sous-terrien

des êtres humains et des animaux sont exposés ensemble à des fatigues exagérées et persistantes.

Lui mort, les hommes avaient dû, non seulement poursuivre leur marche à pied, mais encore se charger des provisions indispensables pour aller jusqu’au bout même en se rationnant durement. Or, ces provisions, l’eau surtout représentaient un poids considérable, et la petite caravane avait dû se résigner à ne plus avancer que par très courtes étapes, auxquelles Jean Kerbiquet parvenait aisément bien qu’il fût le plus lourdement chargé de tous, mais où les Sous-Terriens n’arrivaient qu’exténués, à bout de force et d’haleine. Leur chef en avait pitié ; il les poussait et les rudoyait, cependant, car chaque heure perdue rendait le péril plus grave, et diminuait les chances qu’avaient les pauvres gens d’arriver à la mer si anxieusement désirée.

Malgré leur bravoure, malgré leur résolution, malgré le stoïcisme dont ils faisaient preuve, l’un d’eux tomba, un jour, pour ne plus se relever. Ses compagnons, qui déjà se sentaient prêts pour la même destinée, le déposèrent dans le sable de la région mortelle, et poursuivirent leur chemin, désormais mornes et définitivement abattus, sans espoir d’arriver jamais au bout de l’aventure.

Et Jean Kerbiquet, la mort dans le cœur, les vit l’un après l’autre se coucher devant lui, le dernier soupir aux lèvres.

Il leur rendit pieusement les derniers devoirs, et se trouva seul, irrévocablement seul, sur l’immensité maudite. Il prit de provisions ce qu’il put porter, peu, car ses forces commençaient à s’épuiser aussi et le problème de l’arrivée ne le laissait pas sans angoisse, et il partit vers le Sud, sans re-