Page:Pierre Luguet Une descente au monde sous-terrien 1909.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

261
une descente au monde sous-terrien

qu’à sept ou huit heures de marche de la mer. Mais il ne la voyait pas, ne la devinait pas, ne la sentait pas, parce qu’il ne possédait pas l’instinct quasi-surnaturel des Sous-Terriens, et parce que son immense lassitude lui ôtait la meilleure part de ses facultés.

Il fit son dernier repas de quelques bribes de poisson sec traînant dans son bissac, mouilla ses lèvres de ses dernières gouttes d’eau, jeta tout l’équipement qui lui devenait inutile, et repartit, farouche, en murmurant :

— À la grâce de Dieu !

Mais il n’alla pas bien loin. Si l’âme résistait encore, le corps, la chair, la bête, étaient définitivement vaincus et refusaient d’aller plus loin. Des lueurs fulgurantes se mirent à courir devant ses yeux, tandis que ses jambes étaient prises d’un tremblement intense, et que l’horizon, dans l’intervalle des éclairs douloureux, se mettait à tournoyer avec une vertigineuse rapidité.

— Je vais mourir ! pensa Kerbiquet.

Il chancela, dut se mettre sur les genoux, et se releva pour faire quelques pas au hasard, l’équilibre perdu, la raison voilée, une seule idée battant dans sa cervelle vide :

— Mourir… mourir… mourir…

Il sentit se raidir ses membres et l’immobilité le saisir. Il résista, il se révolta, et marcha quelques mètres.

Mais il tomba, et ne se sentit plus la force de se relever.

— Mourir !… mourir !…

Un effort suprême le mit debout. Il essaya de forcer à l’obéissance ses muscles rebelles, et de courir. Il courut. Mais, à ce moment, un carillon forcené se mit à sonner dans