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une descente au monde sous-terrien

garder en arrière, sans vouloir penser à autre chose qu’au but. D’abord, il alla beaucoup plus vite qu’au moment où il était accompagné d’hommes affaiblis, mais quelques jours d’efforts usèrent dangereusement son pouvoir de résistance, et il fut contraint de ralentir l’allure, de se reposer plus souvent, de se ménager davantage.

Et devant ses yeux abîmés par le soleil central, la plaine s’allongeait toujours, déserte et brûlante. Et l’horizon restait immuable, dans ses vapeurs rougeâtres. Et les interminables étapes se succédaient sans qu’un indice quelconque montrât au voyageur qu’il touchait à la fin de son martyre. Les provisions diminuaient, bien qu’il se rationnât de façon cruelle ; l’eau allait lui manquer, car il n’avait pu en porter que quelques litres.

Quand il n’aurait plus rien, ce serait la détresse abominable et ce serait la fin. Le courageux marin supporterait encore quelques heures de supplice ; il irait aussi loin que son héroïsme pourrait le mener, puis il se coucherait comme les autres, et jetterait son dernier souffle à l’Éternité.

— Je n’arriverai pas ! pensa-t-il, un jour où sa faiblesse augmentait et lui faisait peur.

Et l’idée de périr ainsi, misérablement, en pleine jeunesse, et sans utilité pour qui que ce fût, le révolta et le jeta dans un accès d’injustice bien éloigné, d’habitude, de son âme. Il vit le président de la République Centrale et ses compagnons doucement arrivés aux grèves de l’Océan polaire, et l’attendant, dans une passivité stupide, au lieu de s’étonner de son retard et de chercher à le secourir. Kerbiquet, au moment même où la fièvre l’incitait à accuser et à maudire, n’était plus