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une descente au monde sous-terrien

sur l’eau verte prit l’épaisseur et la solidité de la terre ferme. Enfin, des mouvements étranges se produisirent aux bords de l’île morte, et l’on vit les gorilles polaires qui s’enfuyaient vers le rivage, à grandes brasses, et poursuivis par les impitoyables petits Sous-Terriens.

— Nous sommes vainqueurs ! s’écria Francken.

— Oui, mais à quel prix ! soupira le président.

Ses hommes remontaient aux radeaux, exténués. Ils étaient partis cent vingt ; ils rentraient quatre-vingts à peine, et certains d’entre eux si malmenés, si déchirés qu’ils ne survivraient certainement pas.

— Mon Dieu ! s’écria Van de Boot, mon existence valait-elle la perte de tous ces braves gens !

Il fallut dégager les radeaux de la chair immobile où ils étaient emprisonnés comme peut l’être un paquebot dans les glaces du pôle. Il fallut organiser toute une manœuvre. L’épaisseur des cadavres était telle, que les voiles gonflées à craquer ne faisaient pas avancer la flottille. La mer, heureusement, aidait au travail en disséminant peu à peu les corps à sa surface ; l’île monstrueuse s’élargissait insensiblement. C’était, sous le soleil de feu du monde inférieur, un spectacle grandiose et tragique, et que ne devaient jamais oublier ceux à qui il était donné de le voir.