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une descente au monde sous-terrien

temps plaçaient une balle de revolver, contemplaient cette inqualifiable boucherie sans pouvoir parler, et l’horreur dans les yeux, bien qu’ils se fussent attendus à toutes les monstruosités.

Tout à coup, la ruée gigantesque cessa. La couche des corps étendus sur l’eau perdit le glissement affreux qu’elle gardait depuis le commencement de la bataille, et qui lui donnait l’aspect d’un amas de reptiles en fureur.

Sur les radeaux, tout le monde se regardait avec surprise. Quel piège cachait cette immobilité soudaine, succédant à une invraisemblable folie de mouvement ?

On le sut bientôt.

Malgré le poids de ses poutres assemblées, malgré le poids des hommes qu’il portait, malgré l’effroyable pesanteur du mastodonte campé au centre, le radeau des humains supérieurs fut soulevé d’un bout, tandis que le bord opposé s’enfonçait dans la mer et faillit chavirer.

Les Sous-Terriens plongèrent d’un seul mouvement, leur poignard à la main, et le massacre, interrompu un instant, reprit avec une violence nouvelle, sous l’eau, cette fois, et sans que les chefs de l’expédition pussent intervenir.

Mais alors, au lieu d’attendre leurs ennemis et de les frapper à coup sûr, les sujets de Phocas de Haute-Lignée durent se jeter dans les masses compactes formées sous les flots par les Kra-las, et chacun d’eux lutta contre dix adversaires. Et l’on périt des deux parts, parce qu’il leur était absolument impossible de tout frapper à la fois, et que certains d’entre eux furent immobilisés dans les mains puissantes des monstres.

La tuerie dura une heure encore ; la couche des cadavres