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variétés

vent de la liberté et dans la plaine, des maisons se construisent avec le marbre de l’inépuisable Pentélique, des maisons qui ont la forme carrée et les classiques péristyles du vieux temps. Celà, ce n’est pas l’œuvre de Phidias ni de Périclès ; c’est l’œuvre d’Ypsilanti l’organisateur de l’Hétaira, de Capo d’Istria le président patriote, de Colocotronis le vieux grognard héroïque, de Coumoundouros l’homme d’État austère et sage !…

Ce fut, plus tard, une silhouette originale et suggestive, celle du triumvirat qui prit en mains le gouvernement provisoire après le départ du roi Othon ; l’amiral Kanaris en redingote européenne, Boulgaris avec son costume oriental et son fez, Roufos vêtu de la fustanelle populaire. On conte que, pour ne pas marquer entre eux une préséance quelconque, ils avaient coutume de s’en aller tous les trois, serrés sur la banquette d’arrière de leur voiture commune : vivante représentation de leur pays, lequel avait encore plusieurs costumes et même plusieurs langues mais une seule ambition et une seule âme.

La baie d’Éleusis est toute bleue et or. Le flot qui recèle le secret des rites mystérieux soupire avec mélancolie sur la plage ou bien sautille ironiquement sur les rochers. Et ce même mélange de mélancolie et d’ironie s’exhale des ruines, imprègne l’atmosphère, pénètre le voyageur et le suit jusqu’à la petite gare aux murs de plâtre où apparaît, inscription déconcertante, ce grand nom d’Éleusis dont le sens est perdu. Les caractères qui le composent ont la légéreté d’une dentelle : il semble qu’on va voir au travers et que tout va soudainement s’éclaircir. Mais l’esprit s’épuise à percer les voiles qui sont tendus au-delà. Ils sont en nombre infini, enroulés les uns dans les autres et ils deviennent de plus en plus opaques jusqu’à donner l’impression d’un cauchemar. Nulle solution ne satisfait, nulle explication ne convient. On voyait la procession des initiés se former dans la ville de Minerve, on suivait sa marche solennelle sur la voie sacrée, puis dans le sauvage défilé où se dresse maintenant le monastère byzantin de Daphné et voici qu’au moment où elle va atteindre le sanctuaire de Demeter, elle s’évanouit brusquement comme ces « intersignes » qui causent de mortelles frayeurs aux marins bretons et, en disparaissant, font entendre, dit-on, un éclat de rire strident et moqueur. Cherchez, cherchez le secret qui tourne autour des tronçons de colonnes, se cache aux angles des terrasses, fuit sur la pente des escaliers, s’évade par les interstices